vendredi 13 mai 2016

La trousse corrézienne

Voici un article paru dans le journal LA TROUSSE de mai-juin 2016
Les ânes du gîte
Par Philippe Van Assche

En contre-bas de Condat-sur-Ganaveix, se trouve le petit hameau de Vernéjoux. Les ânes du gîte sont là. Une quarantaine de petits équidés du Cotentin et de Normandie paissent joyeusement autour de ce noble lieu de pratique et de formation à la traction asine. Rencontre avec Jean-François et Armelle.

« A sept ans j'ai dit à ma grand-mère : je reprendrai ta ferme. A presque 60 ans, j'ai repris une exploitation où j'élève des ânes ». Entre temps, Jean-François ne fait pas l'âne mais Normal sup et une thèse en christalo-chimie, travaille 10 ans à St Gobain, démissionne pour monter une entreprise de débardage à cheval, puis réintègre la fonction publique par l'enseignement et devient responsable de la traction animale pour les haras. C'est ainsi qu'en 2006 il arrive à Pompadour. En 2012, il démissionne encore pour fonder son activité de transmission pour le développement de l'initiative asine. La tonte à la tondeuse hélicoïdale tractée, le transport du tri des déchets, la livraison à domicile, l'asino-bus, le biblio-âne (balade-lecture une fois par semaine à Uzerche en été), les possibles ne manquent pas. Il poursuit les traces d'un sillon ancestral.

« A chaque fois que tu mange un bol de riz, il y a une chance sur deux qu'il soit fait en traction animale. Et il s'en mange du riz dans le monde ! ». Jean-François plante le décor. La traction animale nourrit le monde. Un milliard 200 millions d'exploitations sur la planète. 32 millions en tracteurs, 800 millions sans assistance et environ 400 millions en traction animale. Parmi eux 100 millions d'équidés dont la moitié sont des ânes. Mais en France, la traction asine est mal répertoriée. Elle n'est pas une activité en soit. Les utilisateurs sont maraîchers, débardeurs, accompagnateurs en moyenne montagne. A Vernéjoux, on vit de l'âne pour le réintégrer partout où il constitue une bonne alternative au moteur à explosion. Une démarche d'élevage -pour sélectionner des animaux propice au travail- et d'éducation.

« Je dispose d'un outil à plusieurs vitesses : en fonction du travail à fournir j'attelle un, deux, trois, quatre, cinq, six... ânes ». Et dans ce monde où tout va vite, où la rentabilité est la mesure de tout, Jean-François nous prouve par A+B qu'il y a une place pour l'âne. Après, tout dépend du monde que nous voulons dessiner. Pour les petits travaux de maraîchage, dans une exploitation à taille humaine et respectueuse de l'environnement, l'âne est le compagnon idéal. Et la tendre machine à crottins a même bien des avantages : passe-partout, délicat (ne laboure pas en profondeur), précis, propre (ne pisse pas de l'huile mais de l'urine), et son dos est à hauteur d'homme. Bien sur, il lui faut un carré d'herbe, mais pas tant que le cheval. Par chez nous, un demi hectare lui suffit amplement. Cheval du pauvre, l'âne a un bon rapport poids/capacité de traction.

« Ce serait mal-honnête de montrer quelque chose que je ne pratique pas !» Le gîte des ânes n'est pas un parc d'attraction mais bien de traction animale. L'activité de formation y est ancrée dans la pratique. La ferme aux allures de château de conte de fées fonctionne bien au pas de l'âne : emmener l'eau, le foin, faire les clôtures. Un quotidien sans tracteur. C'est cette expérience qui est transmise dans des propositions de formation variée : entretien de l'espace, débardage, maraîchage, éducation du jeune âne, attelage multiple, et autres à la demande. On vient voir Jean-François pour répondre à des problèmes pratiques, pour un développement plus humain et réconcilié avec l'organique. Parce que l'âne trouve sa place dans une société de main d’œuvre et pas d'investissement. Un monde où le temps se prend plutôt qu'il se gagne.

lesanesdugite.blogspot.com

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